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En cuisine, toutes les énergies sont tendues vers l’excellence. Ni mot de trop, ni geste inutile. Le chef a l’œil qui court au rythme effréné des commandes qui s’annoncent et des ingrédients qui s’assemblent dans les assiettes tandis que les serveurs se croisent dans un ballet réglé au millimètre. En salle, les convives attablés savourent l’instant. Midis et soirs, le registre des réservations n’a rien à envier au Who’s who. A l’heure du déjeuner, hommes politiques, journalistes, éditeurs, cinéastes se côtoient, discutent projets, contrats et pour certains, se retrouvent là le soir, en famille ou entre amis. À ce cercle de fidèles se mêlent touristes français et étrangers qui, sitôt le pied posé à Paris se font conduire au Dôme comme d’autres se ruent à la Tour Eiffel. Car le Dôme est un mythe bien au delà de nos frontières et s’il est une constante dans son histoire, c’est son irrésistible pouvoir d’attraction, toutes époques et toutes nationalités confondues.

Mais quel chemin parcouru depuis l’humble bistrot qui s’ouvrait en 1897 dans ce quartier périphérique encore assoupi et qui n’allait pas tarder à bouillonner d’une vie artistique intense ! Le Dôme a vécu toutes les frasques de la Belle Époque puis celles des années folles avant de s’assagir au rythme du quartier. Les bohêmes qui le hantaient ont émigré à Saint-Germain, avant de s’exiler, une fois de plus, happés par de nouveaux lieux à la mode. Certains sont passés à la postérité, laissant leur nom à jamais lié à celui du Dôme, d’autre se sont fondus dans le souvenir nostalgique d’une époque qui ne ressembla à aucune autre.
Montparnasse a changé mais toujours planté au Carrefour Vavin, le Dôme conserve un sacré panache. Et pas seulement pour ce qui s’est vécu ici. Pas seulement parce qu’il avait déjà une âme à l’âge où l’on se cherche encore une identité. Si le Dôme d’aujourd’hui n’a rien à envie à celui d’hier, c’est bien parce qu’il a su transcender ce passé fabuleux pour renaître et se réinventer.