J’avais un beau ballon rouge

Le choix des (l)armes

(extrait)

Inspirée de la vie de Margherita Cagol, membre des Brigades rouges tuée par la police en 1975, J’avais un beau ballon rouge revisite, dans l’intimité d’une famille, l’un des pans les plus sombres de l’histoire italienne contemporaine. Magistralement portée par Richard et Romane Bohringer, c’est aussi une belle peinture de l’amour paternel qui ne désarme jamais, aussi radical qu’un engagement politique. Une pièce où se pose également la question du destin. Epoque, contexte, rencontres, comment peut basculer une vie ?  Du théâtre qui enchante le cœur et qui remue l’esprit. Et vice versa.

Cecile Maslakian copywriter chroniques de theatre javais un beau ballon rouge Angela Dematte

En 1965, Margherita Cagol est une jeune étudiante en sociologie de la faculté de Trente en Italie. Élevée dans une famille traditionnelle, elle prend conscience très tôt de l’injustice sociale puis s’engage dans l’action politique. Ce qui n’est d’abord qu’un mouvement étudiant ne va pas tarder à se radicaliser jusqu’à prendre la forme d’une action armée sous le nom des Brigades rouges restées tristement célèbres pour l’enlèvement et l’exécution d’Aldo Moro. Déjà toute petite Margherita avait le sommeil perturbé par la pauvreté et l’injustice qui régnaient dans le monde. Et s’il suffisait à l’époque, que son père lui dise quelques mots pour la tranquilliser, ses mots sont désormais impuissants à désamorcer la révolte de la jeune femme. Une époque explosive, la rencontre avec un jeune militant achèveront de sceller le destin de Margherita Cagol. Lorsqu’elle aura troqué ses livres contre des armes, de son monde d’avant ne restera alors que son père aimant. L’amour contre la violence, c’est son utopie à lui et la seule arme dont il dispose. 

Tendres mots d’amour

Le texte mêle intimement violence et tendresse sans que cela ne sonne faux et sans chercher à défendre une cause indéfendable. Ouf ! Le propos trouve sa force ailleurs. Bien après qu’elle ait plongé dans l’action la plus radicale, Margherita reste une petite fille pour son père qui continue de lui dire « Sois sage ! » en la quittant. Oui, on peut être une révolutionnaire prête à tout et rester une petite fille pour ses parents. Son père qui passe sa vie à l’église, tente désespérément de la sauver avec de grandes théories sur le bien, le mal et l’amour des siens. Mais ses mots désuets ne pèsent pas bien lourd face à la détermination de la Passionaria. L’amour fait rarement le poids contre la violence, l’Histoire nous l’a montré et la magnifique prise de conscience finale ne peut hélas rien changer au drame qui s’est joué.(…)

Il fallait deux comédiens de la trempe et de la sensibilité de Richard et Romane Bohringer pour porter si haut et si bien J’avais un beau ballon rouge. Un père et une fille qui ont, eux, la chance d’avoir épousé la même cause : le théâtre. Radicalement.