Femme non rééducable

In memoriam

(extrait)

Anna Politkovskaïa était une journaliste russe qui dénonçait les exactions commises par la Russie dans la guerre contre la Tchétchénie. Un engagement radical pour la défense des droits humais jusqu’à ce que quatre balles de pistolet lui ferment définitivement les yeux le 7 octobre 2006, jour de l’anniversaire de Vladimir Poutine. Femme non-rééducable met en lumière le combat d’une femme à travers un texte poignant et la présence magnétique d’une grande actrice. 

Au début des années 2000, le nouveau président russe, Vladimir Poutine, décide de relancer les hostilités contre la Tchétchénie, pays en proie à la guerre depuis la nuit des temps. Dès lors, Anna Politkovskaïa se rend régulièrement sur place pour témoigner. Elle est bien la seule car la vie y est impossible et les risques trop grands. La mort, le sang, la boue, la merde sont partout. Manger, se laver, se déplacer et même dormir posent problème. Sans parler de l’horreur des cadavres déchiquetés, des têtes coupés exhibées pour l’exemple. 

Anna Politkovskaïa regarde et relate ce qu’elle voit. Les menaces, les arrestations, les tortures, les tentatives pour la faire taire, la cruauté obscène des militaires ne l’arrêtent pas. La question de sa sécurité ne se pose jamais, celle de la vérité des faits toujours. Ni exaltée ni kamikaze, elle avance résolument sur son chemin comme si elle n’avait pas d’alternative. Elle devient alors un de ces sujets non rééducables dont parle Vladimir Sourkov, membre du bureau de la présidence russe, dans une circulaire interne de 2005.  ‘Les ennemis de l’état se divisent en deux catégories : ceux que l’on peut ramener à la raison et les incorrigibles. Avec ces derniers, il n’est pas possible de dialoguer, ce qui les rend non rééducables. »

Dans Femme non-rééducable, les mots dessinent des images d’une force implacable. Ils disent la vérité crue de l’horreur comme le faisait la journaliste dans ses papiers. Précis, tranchants, réalistes, ils touchent au plus profond. Anne Alvaro porte ce beau texte avec force et grâce. Elle ondoie entre détermination et fragilité, d’une voix brisée de colère ou bien lasse, comme assommée. Dans son imperméable noir aux lignes amples, la comédienne impose la présence fantomatique d’une femme déjà presque morte. (…)